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" Ils sont tout petits mais ils sont vaillants les petits soldats qui servent la France, braves par devoir et sans espérance de croix, de galons, d’avenirs brillants… "

La Vie Indochinoise, 1897

ENSEMBLE | PRESENCE DES ASIATIQUES ET DU PACIFIQUE DANS L’ARMEE FRANÇAISE (1737-2014)

EXPOS

©Coll.Éric Deroo/DR
FOCUS

 

Présences des asiatique et du Pacifique dans l’armée française 

Parallèlement aux présences asiatiques, l’armée française est également composée de contingents issus des « vieilles colonies Â», mais aussi d’Afrique, de Madagascar, de l’océan Indien, et depuis l’expédition d’Égypte et la conquête de l’Algérie (1830), de Maghrébins et d’Orientaux. 

Près de trois siècles de présences asiatiques et du Pacifique dans l’armée française (1737-2014)
 

Dans le cadre des commémorations du 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et du 70e anniversaire de la Libération du territoire français (1944-1945), cette exposition est l’occasion de revenir sur une histoire qui semble en partie oubliée : celle de l’ensemble des hommes venus d’Asie et du Pacifique, qu’ils soient Chinois, Indochinois (Vietnamiens, Laotiens, Cambodgiens), Tibétains, Indous, Polynésiens, Wallisiens ou Néo-Calédoniens venus combattre ou travailler sur le territoire français lors des deux conflits mondiaux. Dès 1737, et l’établissement des premiers comptoirs français en Inde, puis avec la conquête par étapes de la Polynésie et de la future Indochine (Annam, Tonkin, Cochinchine, Cambodge...), des milliers de supplétifs et tirailleurs « indigènes » sont recrutés dans l’armée française. Les unités de tirailleurs indochinois, constituées d’« Annamites » et de « Tonkinois », mais aussi de Laotiens et de Cambodgiens, sont créées au fur et à mesure de l’expansion coloniale de la France.

 

Ces unités vont jouer un rôle important dans la défense du territoire français au cours des deux conflits mondiaux et de la décolonisation, aux côtés des troupes venues des anciennes colonies du Maghreb, d’Afrique, de l’océan Indien, des Antilles-Guyane, de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Cette exposition est le fruit d’un travail collectif, effectué dans le cadre d’un programme de recherche inédit sur la diversité affichée par l’armée française dans les différents conflits du XXe siècle, en lien avec la longue histoire coloniale de la France. Ce projet s’organise en parallèle de la diffusion sur France Télévisions de la série de films événements retraçant à travers une cinquantaine de portraits de combattants, la diversité géographique du recrutement dans l’armée française.

 

Cette exposition évoque les combattants vietnamiens, cambodgiens et laotiens, les volontaires tahitiens et calédoniens, ceux venus des comptoirs des Indes ; mais aussi les travailleurs chinois et indochinois recrutés pour l’industrie de guerre française durant les deux grands conflits mondiaux, ainsi que les troupes indiennes et népalaises de l’Empire britannique venus combattre sur le territoire métropolitain. Longtemps absente de notre mémoire collective, et porteuse de toutes les contradictions et complexités liées à l’histoire coloniale, cette tradition de diversité et de sacrifices tend à ressurgir à l’occasion des commémorations actuelles, et des cérémonies militaires organisées aux mémoriaux comme ceux érigés dans le Jardin tropical de Nogent en hommage aux combattants d’Asie. Scrutant les mémoires au-delà des clichés et initiant une démarche de transmission des savoirs aux jeunes générations, ce programme conforte au-delà des cercles militaires une histoire en partage, contribuant à dénouer la complexité du passé colonial.

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©Coll.Éric Deroo/DR
Le temps des premières présences (1737-1899)
 

Le recours dans l’armée française à des « combattants indigènes Â» venus d’Asie et du Pacifique est le fruit d’une longue tradition provenant de l’instauration de comptoirs commerciaux par la Compagnie française des Indes orientales créée par Colbert, recrutement poursuivi ensuite à l’occasion des différentes phases de la conquête coloniale dans le sud-est de l’Asie et jusque dans le Pacifique. Dès 1737, un corps de fantassins indiens, les Cipayes, est tout d’abord recruté par le gouverneur de Pondichéry pour assurer la défense des établissements français. Au cÅ“ur de la Polynésie, à partir du conflit franco-tahitien en 1844, certains districts de l’île fourniront des contingents de volontaires indigènes pour participer à la conquête française à laquelle prit part le grand chef Hitoti A Manua.

 

Enfin, dès le début de l’occupation du sud du Viêtnam actuel, le corps expéditionnaire français s’appuie largement sur des forces supplétives.  Inde, Indochine, Polynésie… une tradition qui va se poursuivre un siècle durant s’installe. Le 17 février 1859, les forces du contre-amiral Rigault de Genouilly s’emparent de Saigon en comptant dans leurs rangs des combattants et des auxiliaires asiatiques, la compagnie des Coolies et le corps philippin des Tagals, alliés espagnols de la France. Conscient du potentiel important représenté par les supplétifs locaux, le gouverneur général de la Cochinchine décide, en 1861, de la mise sur pied d’un corps de combattants régulier, le bataillon indigène, composée en grande partie de « Tonquinois Â» et d’« Annamites Â».

 

Le premier régiment de tirailleurs annamites est créé en décembre 1879 afin de renforcer les effectifs de l’infanterie de marine stationnée dans le delta du Mékong. Il est commandé tant par des officiers européens que par dix-huit officiers locaux. Pour combattre les Pavillons noirs, ces bandes armées utilisées par les Chinois contre les Français, en 1873 lors de l’expédition au Tonkin, un corps de supplétifs locaux, les « Pavillons jaunes », est recruté durant l’occupation de la citadelle d’Hanoï, événement précurseur à la création des régiments de tirailleurs tonkinois. Ils constituent ensuite l’élément essentiel des forces armées en Indochine. Appelés ou engagés, ils sont natifs du delta du Mékong ou membres de nombreuses minorités ethniques vivant près de la frontière chinoise. Symboliquement, plusieurs de ces tirailleurs annamites ou tonkinois se rendent à l’Exposition universelle de 1889 à Paris, s’inscrivant désormais dans l’imaginaire collectif des Français.

 

 

FOCUS

 

Les Cipayes 

C'est en 1737 que le gouverneur de Pondichéry recrute un corps de fantassins indigènes. Ils sont plus de dix mille sous les ordres du général Dupleix qui, en 1750, leur donne un uniforme (la cabaye). Supprimé en 1793, après la perte des Comptoirs français en Inde, il est rétabli, avec quatre compagnies, lors de la Restauration en 1815. Ce corps est définitivement dissous en 1954.

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©Coll.Éric Deroo/DR
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L’Asie à Saint-Cyr 

Le premier Asiatique formé au sein de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, vitrine de l’armée française, est en 1872 un Japonais. Mais avant la Première Guerre mondiale, le plus fort contingent est originaire de Chine, avec vingt élèves entre 1905 et 1913. Dès 1892, l’Indochine en fournit sept. Au total, plus de deux cents élèves officiers d’Asie du Sud-Est y passeront en un siècle. 

Du Péril jaune à la Force jaune (1900-1913)
 

Au début du XXe siècle, malgré des appréciations favorables sur leur engagement au combat, consolidée, depuis 1872, par la formation d’officiers supérieurs à Saint-Cyr, les unités de tirailleurs indochinoises restent victimes d’un manque de confiance de la part des autorités militaires et des responsables politiques français. L’implication de certains d’entre eux dans le « complot des empoisonneurs Â» à Hanoï en 1908 — où des tirailleurs mêlent du poison au repas de leurs officiers français â€” conduit les autorités coloniales à s’en méfier. En Chine, la révolte des Boxeurs, et le siège des légations à Pékin, renforce l’inquiétude permanente face à un conflit opposant l’Asie et l’Europe. Les imaginaires en Occident autour du Péril jaune vont alors avoir un impact indirect sur le recrutement et l'utilisation des unités indochinoises, perçues comme potentiellement dangereuses et capables de trahir les autorités coloniales françaises.

 

Les résistances sont peu à peu brisées à la veille de la Grande Guerre et le nombre de formations militaires composées d’indigènes s’accroît. Des auxiliaires de gendarmeries et de police, cavaliers, sapeurs, marins, gardes, infirmiers chinois et indochinois sont également recrutés pour conforter la tutelle française, et servir de guides et d’interprètes. Dans ce moment d’uniformisation des territoires de l’Empire français, un bataillon de tirailleurs cambodgiens voit le jour en 1902, création réclamée depuis de nombreuses années par des officiers français. Dans le même temps, certaines populations d’origine chinoise comme les Muongs sont régulièrement recrutées pour défendre les frontières du Tonkin, où elles servent au sein du « Bataillon de tirailleurs des frontières Â». Certains de ces soldats se distinguent aussi dans d’autres unités, notamment la Légion étrangère, comme le prince royal Sisowath Monivong, roi du Cambodge, qui fait ensuite une brillante carrière militaire.

 

Le 14 juillet 1913 marque la reconnaissance pour ces soldats sur le sol de France. Alors que le régiment de tirailleurs annamites existe depuis un tiers de siècle, un drapeau lui est enfin remis par le président de la République, Raymond Poincaré, à l’occasion du défilé de l’armée à Longchamp ainsi qu’aux quatre autres régiments de tirailleurs tonkinois (RTT). Pour cette cérémonie, un détachement de chaque formation comprenant un officier et un sous-officier européens accompagnés d’un sergent autochtone et de quatre tirailleurs se rend à Paris. Dans un contexte de montée des tensions avec l’Allemagne, le général Pannequin, se fait désormais le théoricien de la Force jaune, équivalent de la Force noire pensée par le futur général Mangin. Ces deux officiers plaident pour le recours aux contingents indigènes pour défendre la France et ses colonies, contre l’avis de l’état-major qui ne souhaite pas alors utiliser ces hommes en Europe. C’est dans ce contexte que s’annonce un nouveau conflit avec l’Allemagne…

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©Coll.Éric Deroo/DR
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Les poilus tahitiens 

Ces combattants volontaires sont des métropolitains, des Créoles de Papeete mais aussi des Polynésiens venant de la campagne tahitienne et des îles alentour (Moorea, Tuamotu et Marquises). Au total, ce sont douze contingents, soit mille cent quinze hommes qui rejoignent la métropole. Le premier contingent quitte en 1916 le camp d’instruction de Boularis (Var) pour Salonique sur le front d’Orient. 

La Grande Guerre (1914-1916)
 

Lorsque la Grande Guerre éclate, les autorités coloniales proposent d’envoyer des contingents de combattants asiatiques et océaniens sur le front d’Europe. Une première mobilisation est lancée, dès août 1914, dans les Établissements français d’Océanie, visant d’abord à défendre la colonie polynésienne. À partir de 1916, des contingents de combattants indigènes quittent Papeete pour la métropole. Ainsi, on trouve la trace de plusieurs poilus tahitiens incorporés dans les unités françaises pour combattre sur les fronts de l’Ouest et d’Orient. En 1916, des recrutements forcés dans les tribus mélanésiennes sont la cause de plusieurs révoltes. Quant au recrutement en provenance de la péninsule indochinoise, le général Joffre refuse la mobilisation de bataillons « indigènes Â» dans un premier temps, estimant que les tirailleurs indochinois « ne possèdent pas les qualités physiques pour servir au front Â».

 

Au moment de la mobilisation, le 2 août 1914, quinze mille militaires et douze mille cinq cents gardes indigènes servent en Indochine. Les régiments traditionnels de tirailleurs annamites et tonkinois vont subsister, mais leur encadrement européen est affaibli par le retour en métropole de nombreux officiers, sous-officiers et soldats métropolitains. Pour y pallier, des originaires des comptoirs des Indes sont affectés dans les formations de recrutement local. De plus, des combattants indochinois sont affectés dans des régiments jusqu’alors traditionnellement réservés aux Européens. Enfin des unités indigènes participent aux opérations menées aux confins lao-birmans.

 

Suite aux réticences de l’état-major, les militaires indochinois stationnés en France sont, dans un premier temps, maintenus loin des champs de bataille à l’exception de certains d’entre eux, comme le lieutenant Dô Huu Vi (héros de la série Frères d’Armes), pilote vietnamien décoré pour ses exploits de la Légion d’honneur. Mais, en 1915, les pertes enregistrées par l’armée française imposent au haut commandement le recours aux combattants de l’Union indochinoise, de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Une vaste campagne de recrutement est alors entreprise dans la péninsule, au moyen de cinématographes ambulants, de troupes de théâtre, mais aussi de distribution d’affiches et de tracts mettant en exergue l’idée de « patrie avant la famille Â» afin mobiliser les combattants... et les travailleurs.

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©Coll.Éric Deroo/DR
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Les bataillons d’étapes

Réputés non combattants, les Indochinois sont incorporés dans de nombreuses formations qui assurent l’entretien des routes et l’approvisionnement du front. Neuf mille Indochinois servent comme infirmiers, ouvriers dans les poudreries, les ports, les parcs d’aviation, ou encore comme jardiniers à l’image des tirailleurs tonkinois et annamites employés aux cultures potagères dans les jardins du château de Versailles.

L’expérience du front et de l’usine (1916-1918)
 

Il faut attendre 1916 pour que les premiers bataillons de tirailleurs indochinois soient engagés en Europe. De janvier 1916 à novembre 1918, quarante-cinq mille cinq cent militaires, soldats, gardes indochinois, réservistes annamites ou cambodgiens servent en France ou sur le front d’Orient. Jugés encore « trop fragiles Â» par l’état-major, on les affecte surtout aux ambulances et à l’entretien des routes et des transports. Néanmoins, sur ce nombre, deux mille Indochinois appartenant à trois unités combattantes sont dans les tranchées du secteur de Douaumont, au chemin des Dames, dans l’Aisne, en Champagne et dans les Vosges. La 4e compagnie du 6e bataillon de tirailleurs indochinois notamment participe à la reprise du fort de Douaumont. Deux autres unités combattantes indochinoises sont affectées au front d’Orient, à Salonique (Grèce). Dans le même temps, quelques combattants chinois combattent dans la Légion étrangère, comme le Chinois Ma Yi Pao (héro de la série Frères d’Armes).

 

Au milieu de l’année 1918, en accord avec les Alliés, le gouvernement français décide d’envoyer le bataillon colonial sibérien, constitué en Indochine et en Chine, combattre les forces bolchéviques. Au total, de 1916 à 1918, plus d’un millier de natifs de l’Union indochinoise sont tués au combat en France et en Orient. Parallèlement, en 1916, est créé le bataillon mixte du Pacifique (BMP), unité de d’infanterie, composé de tirailleurs, volontaires canaques et de Polynésiens originaires des Ã‰tablissements français de l'Océanie tel Saiaene Wahena et Pouvana'a a Oopa Tetuaapua (héros de la série Frères d’Armes), appelés Niaoulis. Ils combattent dans l'Aisne, l'Oise, la Champagne, certains aussi sur le front d'Orient.

 

Trois cents d'entre eux sont morts pour la France. En outre, un peu moins de cinquante mille ouvriers indochinois non spécialisés sont également engagés pour travailler dans les usines d’armement, les poudreries, l’agriculture et assurer les communications et le ravitaillement des armées. Ceux cantonnés près des lignes travaillent fréquemment sous les bombardements, et, à l’arrière, on retrouve ces combattants issus des bataillons d’étapes sur tout le territoire. Ils découvrent en France une liberté qui leur est refusée en Asie. Aggravée par les promesses non tenues d’émancipation en faveur des anciens combattants, cette prise de conscience poussera certains d’entre eux à militer en faveur du nationalisme émergeant.

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©ECPAD/collection Tournassoud
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Les Sikhs

Originaires des plaines du Punjab au nord-ouest de l’Inde, les Sikhs s’engagent très tôt dans l’armée de la Compagnie des Indes orientales. Leur barbe, si caractéristique, est serrée dans un filet et leurs cheveux sont relevés dans un long turban. Ils sont toujours dotés de leur fameux poignard (le kriss). Les Sikhs sont présents dans dix-sept compagnies, soit la moitié de l’infanterie indienne.

Troupes indiennes, combattants népalais et soldats venus des comptoirs des Indes en France
 

De 1914 à 1918, les forces indiennes de l’Empire britannique atteignent près d’un million de soldats, dont un grand nombre sont engagés aux côtés des Alliés, dans les colonies allemandes, en Chine, en Égypte, en Irak, en Palestine mais aussi sur le front de France. Débarqués à Marseille en septembre 1914, cent mille soldats et officiers accompagnés de cinquante mille travailleurs indiens, combattront principalement dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais ainsi que dans le sud de la Belgique. Originaires de toutes les régions de l’Inde et pratiquant des religions différentes, ces soldats hindous, sikhs musulmans, chrétiens, bouddhistes, reflètent la diversité de l’Empire des Indes britanniques.

 

Dans le recrutement des soldats, la priorité est accordée aux Sikhs, aux Punjabis et aux Gurkhas du Népal. Comprenant deux divisions d’infanterie et deux divisions de cavalerie, le corps d’armée indien arrive sur la ligne de front en octobre 1914 alors que la guerre de mouvement prend fin pour devenir une guerre de tranchées. Les fantassins des Indes vont alors prendre part aux batailles de Neuve-Chapelle, d’Ypres, de Festubert, de Givenchy et enfin de Loos, en 1915, dernière opération du corps indien sur le front ouest. Stationnés à proximité de la ligne de front, ils mènent ensuite des opérations de sape, de minage et de construction de tunnels vers les tranchées adverses. Puis ils sont rapatriés à Marseille ; le corps de cavalerie indienne reste en France jusqu’au printemps 1918. Quant aux travailleurs des Indes, ils sont employés dans le secteur de la logistique (Marseille, Rouen, Abbeville...), mais aussi pour des tâches plus ingrates de muletiers, serviteurs, cuisiniers ou balayeurs.

 

À leurs côtés, de nombreux Népalais font office de porteurs d’eau. S’ajoutent à ces hommes, deux cents soldats originaires des cinq anciens Comptoirs ou Établissements français de l’Inde (Pondichéry, Chandernagor, Karikal, Yanaon et Mahé), dénommés Cipayes, qui servent dans l’armée française et dont près de cinquante tomberont au champ d’honneur. Enfin, envoyés par les états princiers indiens sur le front français, d’autres contingents sont commandés par les princes eux-mêmes, tel le maharadjah Pertap Singh d'Idar (héros de la série Frères d’Armes) et ses lanciers de l’État de Jodhpur. L’arrivée des troupes indiennes sur le front de l’Ouest contribue à arrêter les Allemands dans le Nord et en Belgique au moment où ils cherchent à atteindre le littoral pour contourner les forces anglaises et françaises. Aujourd’hui, la mémoire des soldats des Indes, tués ou disparus, est honorée par la Commission du Commonwealth pour les sépultures de guerre, comme dans la nécropole de Neuve-Chapelle, où un « mur du souvenir Â» rassemble les noms de plus de cinq mille soldats indiens.

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© SHD
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Le cimetière chinois de Nolette à Noyelles-sur-Mer

Pendant la Première Guerre mondiale, Noyelles abrita une importante base arrière britannique dont un grand camp de coolies (travailleurs immigrés chinois). Regroupant les tombes de huit cent quarante-neuf travailleurs chinois, la nécropole a été inaugurée en 1921 (il en existe dix-sept autres en France). Depuis 2002, le cimetière de Nolette est, en France, le lieu de la célébration de la Fête de Qing Ming (fête des morts chinoise).

Les travailleurs chinois dans la Grande Guerre
 

En Europe, dans les premiers mois de la Grande Guerre, la mobilisation générale a enlevé des millions d’hommes à leur foyer et vidé les usines de leurs ouvriers. En conséquence, le besoin de main-d’œuvre s’est fait sentir dans tous les secteurs d’activité de l’économie française. Dès janvier 1915, les autorités françaises, anglaises et chinoises entament des négociations pour recruter sous contrat des travailleurs du nord-est de la Chine. Le 14 mai 1916, un accord est signé entre les trois pays pour l’envoi de main-d’œuvre en France. Les principaux points de recrutements sont organisés dans les villes de Tianjin, Qingdao, Shanghai et Hong Kong. Jusqu’à 1918, près de cent quarante mille Chinois débarquent sur le sol d’Europe pour occuper des emplois dans l’industrie, l’agriculture, la construction des dépôts de munitions, les chemins de fer, les chantiers de constructions navales et mécaniques. Ils sont aussi affectés au creusement des tranchées, au nettoyage des champs de bataille à la fin du conflit et à la reconstruction des zones dévastées dans la Somme et le Pas-de-Calais.

 

Les travailleurs chinois seront regroupés dans des camps en France, comme celui de La Rochelle-La Pallice, où les travailleurs sont employés sur les chantiers navals et dans une trentaine d’autres entreprises, de déchargement des navires ou de fabrication de produits chimiques. Les clauses du contrat stipulent que les ouvriers recrutés ne « doivent accomplir aucune tâche militaire Â». Pourtant, ils séjournent dans les zones de combats à partir de fin 1917 pour assurer l’approvisionnement des combattants, d’autres étant mis à la disposition de l’armée américaine. En France, comme en Égypte, beaucoup sont aussi déployés sous l’autorité britannique (ou mises à disposition des troupes américaines en 1918) qui les utilise également sur le front pour des travaux de terrassement et de cantonnement, en particulier dans le Pas-de-Calais.

 

Durant les quatre années de leur présence en France, environ trois mille travailleurs décèdent des suites des bombardements navals ou aériens, des mauvais traitements et de maladies (tuberculose, dysenterie, grippe espagnole). Au lendemain de l’Armistice, tous les travailleurs chinois sont progressivement rapatriés dans leur pays d’origine, à l’exception de quelques milliers qui constituent la première communauté chinoise de France et dont faisait notamment partie Tchang Chang-Song. La France a honoré récemment les travailleurs chinois, enterrés pour certains au cimetière chinois de Nolette Ã  Noyelles-sur-Mer (Picardie), bâtissant une mémoire commune à travers le récit de ces travailleurs de la Grande Guerre.

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La révolte de Yen Bay

Dans la nuit du 9 au 10 février 1930, des militants communistes du parti VNQDD de Nguyen Thai Hoc s’élancent à l’assaut des cantonnements de tirailleurs tonkinois et réussissent à déclencher une mutinerie. Au petit jour, les bâtiments sur lesquels flotte le drapeau nationaliste sont repris par les troupes françaises. Cette Nuit rouge de Yen Bai aura un énorme retentissement en métropole et le commandement s’interrogera sur le degré de confiance à accorder aux militaires indochinois.

L’ENTRE-DEUX-GUERRE (1919-1939)
 

À la fin du conflit, le bilan est lourd avec notamment plus de dix mille combattants indiens et mille six cents tirailleurs indochinois tués au front auxquels rend hommage l'empereur Khai Dinh lors de sa visite en France. L’arrêt des hostilités, le 11 novembre 1918, n’entraîne pas cependant le retour immédiat de tous les originaires de l’Union venus combattre en France et en Orient. Dès 1919, certains forment des compagnies mises à disposition des autorités civiles pour aider la population ou encore nettoyer le champ de bataille. Néanmoins, entre 1918 et 1920, les troupes indochinoises, indiennes, ainsi que les travailleurs chinois, sont pour la plupart rapatriés en Asie et la majorité des combattants tonkinois et natifs de l’Annam retournent à leurs métiers d’agriculteur, artisan, commerçant et ouvrier.

 

Ils sont souvent désabusés car les promesses de naturalisation en récompense de leur engagement ne sont pas toujours tenues, comme celles formulées en 1917 par le gouverneur général Albert Sarraut en faveur des hommes blessés au front et décorés. Enfin, certaines unités restent stationnées en France et, entre les deux guerres, des bataillons indochinois s’installent en province, dans le Sud-Ouest de la France, comme le 52e RTI à Auch. Des unités indochinoises sont aussi engagées sur les théâtres d’opérations extérieures, comme en Syrie (1920-1921) ou au Maroc (1921-1926) tandis que d’autres forment colonnes au sein même de l’Indochine, en particulier sur les hauts plateaux d’Annam.

 

Dans l’immédiat après-guerre, les troupes indochinoises sont réorganisées. Cent tirailleurs sont ainsi détachés dans l’aviation et cinq cents autres dans la Marine. Par ailleurs, pour faire face aux troubles qui se déclenchent dans les concessions internationales de Chine, plusieurs bataillons sont dirigés sur Shanghai tandis que la relève de ceux stationnés en France continue d’être assurée. Mais la méfiance à l’encontre de ces combattants est croissante, face à leur politisation et suite à la participation de plusieurs tirailleurs à la révolte de Yen Bay en 1930, organisée par les communistes vietnamiens. Néanmoins, au titre de la reconnaissance de leur rôle dans la Grande Guerre, l’autorité militaire adopte de timides mesures comme la hausse des soldes, un meilleur avancement, la célébration des rites et des fêtes traditionnelles ou la promotion au grade de sous-lieutenant de quelques sous-officiers. À la fin des années 30, la « montée des périls Â», renforce les arguments en faveur d’une Force jaune destinée à défendre la péninsule qui avaient été avancés par le général Pennequin au début du siècle.

 

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L’arrivée des Américains à Nouméa

Les victoires militaires des Japonais les obligeant à investir une partie du Pacifique et à menacer même directement l’Océanie, les États-Unis entrent en guerre et cherchent une base militaire dans la zone. Ils choisissent la Nouvelle-Calédonie et des soldats américains s’installent à Nouméa. Pour la première fois, les Kanaks seront recrutés par l’armée américaine et recevront un salaire... 

La Seconde Guerre mondiale, l’Empire mobilisé (1939-1945)
 

En 1939, la France retrouve les accents de 1914 pour mobiliser son Empire : la lutte contre l’Allemagne, le Japon et leur propagande raciste, anti-Noirs pour les premiers, anti-Blancs pour les seconds, devient un argument de mobilisation dans les colonies. Le 1er septembre 1939, dans l’Union indochinoise, soixante mille réservistes locaux sont mobilisés et rejoignent les vingt-neuf bataillons d’infanterie, et groupes d’artillerie stationnés dans la péninsule. D’après le plan de Georges Mandel, ministre des Colonies, l’Indochine doit également fournir à l’extérieur de son territoire soixante-cinq mille hommes pour rejoindre la métropole et le Moyen-Orient. En réalité, ce sont plus de soixante-quinze mille natifs indochinois qui servent dans l’armée de terre, deux mille dans l’aviation, et sept cents dans la marine. En Europe, au total quinze mille tirailleurs indochinois ont rejoint les troupes déjà présentes, aux côtés de dix-neuf mille travailleurs sous contrat.

 

Ces soldats sont parmi les premiers à recevoir le choc des blindés allemands sur la Meuse en 1940. Trois mille sont tués, portés disparus ou blessés, à l’heure de l’armistice le 25 juin 1940. Les survivants prisonniers sont maintenus dans des camps de travail en France. En 1941, répondant à l’appel de la France libre, trois cents volontaires tahitiens quittent Papeete à destination de Nouméa. Ils forment alors, avec les volontaires de la Nouvelle-Calédonie (un millier au total pour le conflit avec les combattants venus des Nouvelles-Hébrides), dont fait partie Jean Tranape, le bataillon du Pacifique (BP1) à l'effectif de cinq cent cinquante hommes. Les « Pacifiens Â» sont ensuite engagés dans la campagne d'Afrique au sein de la première brigade française libre.

 

En 1942, ce bataillon devient le bataillon d'infanterie de marine et du Pacifique qui compte. En guerre contre les Japonais dans le Pacifique, les Américains expédient dix-sept mille GI’s en Nouvelle-Calédonie, dont l’arrivée à Nouméa marque en profondeur les esprits et permet de recruter de nombreux travailleurs pour soutenir l’effort logistique. Désormais la guerre est aux portes de la Nouvelle-Calédonie. En Asie, les corps indochinois restés sur place font face aux attaques des troupes japonaises qui, depuis 1937, ont entamé des actions militaires contre la Chine et qui sont parvenues non loin du territoire de l’Union indochinoise. Les forces françaises, parmi lesquelles de nombreux Indochinois, connaissent de lourdes pertes en 1945, plusieurs centaines seront tuées et parfois sommairement exécutées. Quant aux survivants, ils sont traqués à travers toute l’Indochine, désormais sans administration, puis jetés en prison ou en camp par les Japonais. 

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Les Fronstalags

À partir de l’été 1940, par peur des maladies tropicales ou d'atteinte à la « pureté du sang aryen », les Allemands renvoient très rapidement en France les « prisonniers indigènes Â». Ils les regroupent dans cinquante-sept Frontstalags ou camps de prisonniers de l'armée allemande, répartis dans toute la zone occupée.

Des Frontstalags à la Libération (1940-1945)
 

Un peu plus de cinq mille travailleurs et militaires indochinois sont rassemblés dans des camps de prisonniers de guerre en juillet 1940. Ceux-ci sont tout d’abord situés dans le Reich, puis les Allemands ramènent les captifs en France, où ils sont internés dans des Fronstalags. En zone libre, douze mille tirailleurs sont rassemblés sans armes dans des bataillons de fusiliers indochinois basés dans le sud-est de la France, attendant un rapatriement rendu aléatoire par la raréfaction des transports maritimes vers l’Extrême-Orient. D’autres combattants démobilisés sont également regroupés par les autorités françaises dans le centre de transit des troupes coloniales à Fréjus-Saint-Raphaël. À partir de 1943, la Wehrmacht ayant besoin de tous ses hommes sur le front de Russie, les prisonniers originaires d’outre-mer sont encadrés par des soldats français issus des troupes coloniales en congé d’armistice.

 

En 1944, certains sont transférés vers le Reich par l’organisation Todt, et beaucoup d’évadés rejoignent les maquis locaux et les réseaux de résistance proches de leurs cantonnements. Ainsi la 14e compagnie formée d’originaires de la péninsule indochinoise rallie avec quelques compatriotes de la 13e compagnie, les FFI de la Basse Romanche dans le maquis de l’Oisans. D’autres Indochinois, travailleurs ou anciens combattants, rejoignent sous l’occupation les mouvements clandestins. Ainsi, trois mille FFI indochinois combattent dans l’Allier, en Dordogne, dans la Drôme, le Lot et la Meurthe-et-Moselle, et participent à la libération du territoire, notamment à Toulouse, à Montpellier et même en région parisienne.

 

Au cours du conflit, plusieurs centaines de militaires indochinois connaissent de multiples aventures qui les conduisent à combattre au Liban ou en Syrie. Certains restent fidèles au gouvernement de Vichy et luttent contre les unités anglo-gaullistes. D’autres, s’engagent dans les Forces françaises libres, en Libye, en Algérie, à Madagascar, mais aussi au Moyen-Orient, en Nouvelle-Calédonie et aux Nouvelles-Hébrides. Les formations de parachutistes et d’aviateurs des Forces françaises libres, qui contribuent à la libération de la France, comptent également des Polynésiens comme Natapu Nuutaivava Mara (parmi le millier de mobilisés). Le 13 février 1945, à Paris, en présence du général de Gaulle et du ministre des Colonies, Louis Jacquinot, le Comité du Têt rend hommage, à la pagode de Nogent, aux soldats vietnamiens et aux « mânes des Annamites qui ne sont plus Â».

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La Délégation générale des Indochinois 

Vers la fin de la guerre, avec la Libération, un mouvement de contestation se propage dans les camps de travailleurs indochinois. En décembre 1944, à Avignon, toutes les composantes de la communauté indochinoise présentes en France se réunissent en Congrès et fondent la Délégation générale des Indochinois (DGI). En janvier 1946, cette dernière obtient la reconnaissance du droit syndical pour les travailleurs indochinois.

Appel et présences des travailleurs indochinois (1939-1952)
 

Afin de remplacer la main-d’œuvre mobilisée, le plan « Mandel Â» prévoit le recrutement de vingt mille travailleurs indochinois pour accompagner en métropole les bataillons de tirailleurs de la péninsule entre 1939 et 1940, recréant ainsi le précédent de la Première Guerre mondiale. Rattaché au ministère du Travail, le Service de la main-d’œuvre indigène, nord-africaine et coloniale (MOI) est chargé de recruter les travailleurs coloniaux requis, de les acheminer par bateaux et de les mettre au service des industries de la défense nationale. La majorité des recrutements est effectuée de force au sein de la paysannerie pauvre des protectorats de l’Annam, du Tonkin et de la colonie cochinchinoise.

 

Ces ouvriers non spécialisés sont pour la plupart employés à des travaux forestiers, agricoles et industriels, dans les usines d’armement et les poudrières, comme le Vietnamien Nguyen van Thanh. Regroupés au sein de cinq légions englobant soixante-quinze compagnies de deux à trois cents travailleurs, ils seront logés, après juillet 1940, dans d’immenses camps de la zone « libre Â» et soumis à une discipline militaire ainsi qu’à des conditions de vie très dures. En 1941, en Camargue, certains d’entre eux lancent l’industrie rizicole, inédite en France. En Gironde, de très nombreux travailleurs Indochinois sont employés dans la poudrerie de Saint-Médard. En occupant la zone sud en novembre1942, les Allemands contrôlent l’industrie française et mettent au service de l’effort de guerre allemand la main-d’œuvre indochinoise. À la Libération, la majorité de ces hommes aspirent à un rapatriement rapide, reporté du fait de la désorganisation de l'après-guerre et des événements qui affectent l'Indochine française.

 

À la souffrance de l’exil, succèdent alors l’exaspération et la colère. En écho au mouvement indépendantiste vietminh en Indochine, les requis revendiquent en métropole leur émancipation et l’égalité des droits avec les autres travailleurs. Ils entrent dans une logique d’affrontement avec la DTI (direction des travailleurs indochinois), suscitant la création de la Délégation générale des Indochinois. À partir de 1948, les rapatriements s’accélèrent et ne prennent fin qu’en 1952. La reconnaissance du sacrifice de ces travailleurs est très tardive. En 2009, en hommage aux travailleurs indochinois, le maire d’Arles, premier élu de la République à rompre le silence sur ce douloureux passé, organise une journée de commémoration.

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© ECPAD
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Le mémorial des guerres en Indochine 

Les accords de Genève organisent le regroupement des morts pour la France, Indochinois inclus, dans certains cimetières du Viêtnam, à Tan Son Nhut notamment. En 1983, alors que les autorités vietnamiennes envisagent leur destruction, la France décide de rapatrier les dépouilles dans la nécropole du mémorial érigé à Fréjus sur le site de l'ancien camp militaire Gallieni, où avaient notamment séjourné des tirailleurs indochinois pendant la Grande Guerre (au sein du Centre de transit des Troupes indigènes coloniales).

La décolonisation et la guerre d’Indochine (1945-1960)
 

Au cours de l’année 1945, entre Hô Chi Minh qui veut la reconnaissance de la nouvelle République du Viêtnam proclamée indépendante, et les autorités françaises qui soutiennent le maintien d’une fédération indochinoise au sein de l’Union française, se déroulent des négociations qui scellent le sort de l’Indochine française. L'insurrection de Hanoï marque le début de la « guerre des Français Â», ainsi que les Vietnamiens la nomment aujourd’hui. Plus de cinq cent mille Indochinois combattent pour la France contre leurs compatriotes regroupés au sein du Vietminh, malgré le voyage d’Hô Chi Minh en 19476 pour trouver une solution diplomatique. À partir de 1948, le manque de volontaires européens, les économies budgétaires et la volonté d’impliquer davantage dans le conflit les nouveaux États indépendants (Viêtnam, Cambodge, Laos) expliquent le recours aux soldats autochtones de plus en plus nombreux par l’armée française, et que rejoignent les contingents venus d’Afrique noire et du Maghreb.

 

À Diên Biên Phu, ils s’illustrent au sein des cinq bataillons de parachutistes vietnamiens constitués de 1951 à 1954 dans le cadre de la mise sur pied d’une armée nationale vietnamienne, initiée par le général de Lattre de Tassigny. Adhérents aux thèses du Vietminh en faveur de l’indépendance du Viêtnam, des ouvriers indochinois organisent en métropole des mouvements de grève et de désobéissance, manifestations auxquelles le ministère des Colonies répond par des arrestations. Au cours des neuf années de guerre, les militaires indochinois comptent vingt-huit mille tués, pertes qui démentent la réputation de « fragilité Â» des tirailleurs d’Indochine et soulignent leur bravoure, à l’image de Hoang Chung. En hommage aux « morts pour la France Â», un mémorial des guerres en Indochine est érigé à Fréjus où sont enterrés des Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens.

 

Durant la guerre en Corée (1950-1953), la France y envoie un bataillon d’infanterie composé de volontaires, le bataillon français de l’ONU, au sein duquel servent des Tahitiens. À l’été 1954, les accords de Genève imposent la démobilisation des personnels autochtones ou leur incorporation dans les armées nationales, tandis qu’une dernière unité indochinoise, le commando d’Extrême-Orient « Dam San Â» embarque à destination de l’Algérie et combat en Afrique du Nord jusqu’en 1960. À cette date, de nombreux Indochinois naturalisés français depuis peu se portent volontaires pour rejoindre des régiments de parachutistes coloniaux. La dissolution de ce commando sur la terre d’Algérie marque la fin d’un siècle au service de l’armée française mais aussi la fin d’une d’histoire complexe et partagée.

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© Coll.Éric Deroo/DR
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Le Jardin tropical du Bois de Vincennes 

En hommage aux morts pour la France, sont érigés, dans le Jardin tropical, des monuments aux soldats indochinois de la Grande Guerre — aux côtés des combattants de l’Océanie — représentant les cinq territoires de l’Indochine : la Cochinchine avec la pagode du Souvenir ; le Tonkin avec le mémorial vietnamien ; pour l’Annam, la copie d’une urne funéraire du palais impérial de Hué ; un monument dédié aux soldats cambodgiens et laotiens ainsi qu’un dernier aux Indochinois chrétiens.

Aujourd’hui | Mémoires et regards croisés 

 

Acteurs de la longue épopée militaire des outre-mer, les soldats asiatiques et du Pacifique qui ont combattu pour la France sont parfois oubliés, leur mémoire éclipsée par celle des tirailleurs sénégalais ou des troupes d’Afrique du Nord. Militaires ou travailleurs, leur participation aux deux conflits mondiaux est méconnue, à l’image de ce statut spécial qui avait été accordé aux anciens combattants vietnamiens de la guerre d’Indochine. Et pourtant, comme tous les hommes des contingents levés à travers l’Empire, ils ont écrit l’histoire de France, son histoire militaire comme une partie de son histoire coloniale. Tirailleurs ou travailleurs, Vietnamiens, Laotiens, Cambodgiens, Chinois autant que combattants tahitiens, néo-calédoniens ou des Comptoirs des Indes, ils ont toujours répondu à l’appel de la France et soutenu l’effort de guerre.

 

Les commémorations initiées par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et celles de la Libération du territoire français (1944-1945) sont autant d’occasions de faire œuvre de pédagogie et de découverte de l’histoire partagée, en France, comme en Asie et en Océanie. Ainsi, en février 2014, l'Alliance française de Dhaka (Bangladesh) met à l'honneur les soldats bengalis, lors d’un colloque sur La Grande Guerre et les colonies, tandis que le souvenir des combattants qui ont donné leur vie pour la France pendant ce conflit est évoqué devant le monument aux morts pour la France, à Pondichéry (Inde).

 

En 2013, à Amiens un colloque a rendu hommage aux combattants d’Océanie. Déjà, en octobre 2013 à Miramas, l'association du mémorial des travailleurs indochinois conviait élus et familles à une cérémonie en mémoire des Vietnamiens recrutés de force pendant la Seconde Guerre mondiale. En outre, dans le Jardin tropical du Bois de Vincennes, l’hommage aux combattants venus d’Asie est perpétué chaque année devant les différents monuments du Souvenir indochinois. Aujourd’hui, les Vietnamiens refugiés en France comme soldats natifs du Pacifique servent toujours dans l’armée française, notamment dans deux unités d’infanterie de marine héritières du célèbre bataillon du Pacifique, stationnées en Nouvelle-Calédonie (RIMAP-NC) et en Polynésie (détachement terre de Polynésie/RIMaP-P).

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